Depuis plusieurs années, chaque année, j’interviens auprès d’un groupe d’étudiants franco-allemands en Informatique pour un accompagnement d’une 40aine d’heures. En 40h de cours, on a le temps d’échanger, de se faire comprendre plus facilement et même parfois de tisser des liens (je vous vois, vous ex-étudiant(e)s qui liront peut-être ce post).
40h, ça peut sembler peu. Ça peut paraître peu comparé au travail de titan des vrais profs, ceux qui doivent aussi faire face aux côtés plus contraignants que ce statut impose. Pour autant, c’est largement suffisant pour avoir un petit pincement lorsque la dernière heure du dernier cours de l’année se termine. Car on les aime bien ces étudiants, même les plus ch?$@ts. Et puis, chaque formation apporte son lot de souvenirs et d’anecdotes.
Cette année, le cours tout entier est une anecdote dans son ensemble. Car pour la première fois, les étudiants et moi ne nous sommes jamais rencontrés. Moi derrière mon micro, les étudiants derrière leurs claviers (ou leurs micros pour les moins timides), nous avons échangé dans des salons virtuels, par voix et partage d’écrans. Maladroitement d’abord, puis moins maladroitement ensuite.
La force de cette situation inédite réside dans le fait que nous sommes tous dans le même bateau. J’ai pour habitude de penser qu’un prof doit constamment se remettre en question et l’apprentissage est souvent de l’ordre du 50/50 (un prof apprend, selon moi, autant des étudiants que l’inverse). Nous étions en plein dedans, le contenu de cours devenant presque secondaire…
Si il vous est arrivé de donner cours pendant un certain nombres d’heures à un groupe, le moment de dire au revoir est peut-être pour vous aussi un peu particulier. C’est le moment de faire un bilan et de s’assurer que votre démarche pédagogique est comprise. Pour ma part, il n’est pas question de modeler des soldats de la programmation. Ceux destinés à devenir développeur le seront en travaillant de leur côté bien plus que 40h.
Cette année, alors que le support est complètement bousculé, de nouvelles questions se posent. Vais-je réussir à les satisfaire ? Vont-ils comprendre le sujet alors que les conditions sont tout sauf optimales (environnement bruyant, exigu, problème de connexion, etc.) ?
J’ai toujours laissé une grande flexibilité dans mes cours et ce nouveau contexte allait me permettre de le faire encore davantage. Ce cours, je l’ai conçu globalement sous cette forme : un tiers de théorie, un tiers d’exercices et le dernier tiers un projet. Cette année, j’ai voulu laisser une place plus petite à la théorie pour permettre à ceux intéressés de s’approprier mieux l’outil. Ils sont chez eux, ils ont internet, vais-je réellement apporter plus que des tutos Youtube ou des discussions StackOverflow ?
La règle est simple, je donne les éléments clefs du programme par de courtes interventions théoriques et séances de questions/réponses. Je fournis les exercices que nous corrigeons 100% au rythme du groupe (divisé en Team, avec chacun un Team Leader). Et enfin, je laisse une grande latitude sur le projet, qui cette année sera l’intégralité de la note finale. Le projet se fait donc par Team et j’impose une seule règle : que chacun comprenne ce qui est fait. Je suis bien sûr joignable de manière continue.
Alors quels sont les projets reçus (compris et maîtrisés) cette année ? Un jeu de pendu avec “Intelligence Artificielle”, un jeu de Pokemon, une calculatrice graphique, un outil de gestion d’articles d’une boutique, … Impressionnant pour des débutants qui ne le sont plus trop. Les étudiants les plus intéressés ont clairement tiré le groupe vers le haut et les méthodologies de gestion de projet à distance ont toutes été variées et efficaces. Un groupe WhatsApp, un Discord ou encore un Git. Sans directive, chaque groupe a fait preuve d’imagination et s’est montré impliqué, trouvant des solutions pratiques en autonomie.
Chaque année m’apporte son lot de surprises (au sens positif). Mais je dois admettre que je constate une corrélation forte entre le degré de liberté laissée et le résultat obtenu. Tout le monde ne s’est pas impliqué au même degré bien sûr mais c’est sans complexe que les moins impliqués l’ont avoué. Et je trouve ça normal. Pourquoi devrions-nous tous aimer tous les sujets d’une formation, sans exception ? Surtout dans un cours comme la programmation impérative et le langage C… Au moins, ils ne tirent personne vers le bas, bien au contraire. Tu n’aimes pas coder ? Tu peux tester le programme, en lister de nouvelles fonctionnalités, chercher comment l’améliorer… Et c’est ce qui a été fait.
Alors en terme de productivité, le résultat est satisfaisant, surtout en s’imaginant que nous en sommes aux balbutiements du travail collaboratif en ligne. Mais au niveau humain, qu’en est-il ? Pour répondre en quelques mots, sachez que bien que donner cours en ligne et en direct est pour moi nettement plus fatigant physiquement, ce dernier cours m’a donné le même pincement au moment de dire “au revoir”.
Stephan